Il est des moments de lecture qui se passent comme des déflagrations. Ce petit roman nous expose, dépouillés, à la fragilité des hommes en pleine guerre mondiale.
En prenant pour centre de son intrigue, deux tirailleurs sénégalais, l’auteur choisit de faire vivre l’horreur des tranchées par des hommes venus, eux-mêmes, d’un autre monde. Alfa Ndiaye voit son « plus que frère » mourir sous ses yeux. Dès les premières pages, la boue et la fange frappent le lecteur. Puis, lentement, le récit s’éloigne de la guerre pour instiller, par bribes, des images de vie dans la campagne sénégalaise. Le traumatisme du front fait ressurgir les origines de ce tirailleur qui nous conte son histoire. Un conte, oui, car le rythme de la langue de David Diop est construit sur des répétitions constantes puisque c’est Alfa qui parle. Il psalmodie ses phrases et, un peu comme Homère se reposant sur les épithètes maintes fois répétés, Alfa reprend ses formules, entre mort, passion, corps et magie. La construction est foudroyante. Elle permet de maintenir une tension dramatique toujours en équilibre.
Une petite mise en garde, peut-être, sur le réalisme des descriptions. Frères d’âme est un texte sur le corps – ou les corps – sur les émotions à vif, la douleur transcendée, comme un vaste poème torturé sur le sens de la vie.
Philippe
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