Où Gustave Doré fait frémir ses jeunes lecteurs...
Parmi nos collections se trouve un fonds injustement méconnu : le fonds Jourde. En 1905, Philippe Jourde, intellectuel engagé natif du Puy-en-Velay, lègue sa bibliothèque personnelle à la bibliothèque. On y trouve des documents très variés - beaucoup de littérature, de livres d'art... principalement du XIXe siècle - reflets de la curiosité naturelle de leur propriétaire. Et notamment, un certain nombre de livres pour la jeunesse.
Ci-contre : un portrait de Philippe Jourde, conservé dans nos collections à la cote A11 820 du fonds iconographique Cortial.
L'un d'eux saute immédiatement aux yeux des visiteurs. Grand format, belle reliure : on reconnaît le travail des éditions Hetzel au premier coup d’œil.
Pierre-Jules Hetzel (1814-1886) est un éditeur d'avant-garde, dont le catalogue reflète l'engagement politique et les convictions républicaines. L’année 1837 marque la fondation de sa maison d’édition. Ainsi jusqu’en 1914, Hetzel publie des romans populaires et de grandes épopées pour lesquels il a fait appel à des illustrateurs de renom : Gustave Doré, Gavarni, Grandville.
A droite, un portrait de Hetzel réalisé par Nadar en 1900, et conservé à la Bibliothèque nationale de France (en ligne ici).
Et justement... C'est Gustave Doré qui signe ici l'illustration célébrissime des contes de Charles Perrault, publiés par Hetzel en 1862.
A gauche, l'édition originale de Charles Perrault illustrée par Gustave Doré, Hetzel, 1862, conservée dans nos collections à la cote 8738 du fonds Jourde.
Gustave Doré (1832-1883) est un artiste français qui fut révélé en 1854 avec l'illustration d'un Rabelais. Il s'intéresse particulièrement aux techniques de la gravure et devient un formidable illustrateur dont le trait est resté dans nos mémoires, aujourd'hui encore. Il donne à ses dessins une ambiance fantastique, souvent sombre et particulièrement émouvante. C'est notamment le cas pour ses illustrations des contes de Perrault.
Ci-contre, un portrait de Doré réalisé par Nadar entre 1856 et 1858.
Dès le frontispice, on sent que Doré veut faire de ce livre un moment de partage, d'émotions, d'intimité familiale. Il rencontre d'ailleurs un immense succès, malgré son prix de vente particulièrement élevé (60 francs).
Dans cette édition, il illustre les contes : Le Petit chaperon rouge, le Petit poucet, La Belle au bois dormant, Cendrillon, Le Maître chat et le chat botté, Riquet à la houppe, Peau d'âne, Les Fées, la Barbe-bleue.
Le Petit chaperon rouge
"En passant dans un bois, elle "Le Chaperon rouge fut bien étonné de voir comment "Cela n'empêche pas qu'avec ses
rencontra compère le loup." sa grand 'mère était faite en son déshabillé." grandes dents il avait mangé une
bonne grand'mère."
Le Petit poucet
"En marchant il avait laissé "Une bonne femme vint leur "En disant ces mots, il coupa, sans balancer, la
tomber le long du chemin les ouvrir." gorge de ses sept filles."
petits cailloux blancs qu'il avait
dans ses poches."
La Belle au bois dormant
"Cette bonne femme n'avait "Il marcha vers le château qu'il "Il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts
point entendu parler des voyait au bout d'une grande de tous côtés."
défenses que le roi avait avenue où il entra."
faites de filer au fuseau."
Au fait, avez-vous remarqué à la page de titre qui signe la préface ? P.-J. Stahl : il s'agit de Hetzel lui-même ! Cette introduction, nourrie d'anecdotes vécues par leur auteur, est un véritable plaidoyer pour le merveilleux. Il vante avec émotion les mérites de l'imaginaire, et on comprend alors que cette édition n'est pas qu'un choix éditorial, c'est aussi un cri du cœur.