Où les livres sont des objets d'art...
Lorsqu’on étudie le livre ancien, on s’intéresse bien sûr à son contenu : laïc ou religieux ? Langue vernaculaire, latin ? Philosophie, géographie, manuel de grammaire ? Antiphonaire, missel, ou encore textes sacrés… ? Pourtant, ce qui nous attire l’œil en premier lieu, ce qui fait vibrer nos cordes d’esthète, ce sont les reliures.
Les fonds anciens de la bibliothèque du Puy-en-Velay regorgent d’exemplaires de toutes époques magnifiquement reliés, décorés, dorés. Autant d’aspects qui nous en apprennent beaucoup sur l’histoire personnelle de chacun des livres que nous conservons. Petit tour d’horizon de quelques pièces parmi les plus remarquables…
Innocent IV, Apparatus Decretalium, Venise : Bernardino Stagnino, 1495 - FG 3010 R
Voici une demi-reliure du XVe siècle : le cuir ne recouvre que la moitié du « plat » de reliure. Il est lui-même appelé « peau retournée », c’est-à-dire qu’on a utilisé le côté interne de la peau, plus duveteux, plutôt que son côté externe, plus courant. Le cuir est tendu sur un ais : une planchette de bois, le plus souvent issue d’un arbre fruitier, qui structure la reliure.
Presque systématiquement à cette époque, les plats de reliure sont maintenus côté « gouttière » (tranche du livre qui laisse apparaître les pages) par des fermoirs. Ici, on voit nettement que la partie en cuir des fermoirs était colorée de rouge. Le mécanisme du fermoir, lui, est en métal.
Jean Barbier, Viatorium utriusque juris, Lyon : Joannis Trechsel, [1488-1490] - FC 2752
Il n'est pas rare que les fermoirs fassent l'objet d'une attention particulière, et deviennent de véritables pièces d'orfèvrerie. C'est le cas de ce petit incunable, publié autour de 1488-1490 (et dont l'auteur est l'yssingelais Jean Barbier). Son fermoir est en cuivre, et présente un motif floral particulièrement fin.
Sa reliure, certainement d'époque ou peu s'en faut, est par ailleurs remarquablement travaillée : on y voit tout un décor estampé à froid (c'est-à-dire sans dorure) de filets entrecroisés, présentant des motifs floraux au petit fer. Le cuir utilisé est un veau, tendu sur ais.
Francis Bacon, L'Artisan de la fortune, Paris : Pierre Rocolet, 1640 - FC 2323
L'un des cuirs de reliure les plus utilisés, quand il s'agit de beau livre, est le maroquin. Il s'agit d'une peau de chèvre, de belle qualité, dont la teinte la plus courante est le rouge (il en existe beaucoup d'autres).
Le maroquin se prête très bien à la décoration. Ici, il est presque entièrement "fleurdelisé" à la feuille d'or, et les décors se retrouvent jusque dans les parties les plus inaccessibles de la reliure. L'irrégularité de la répétition du motif, bien plus serrée en haut et en bas que sur les côtés, montre que les fleurs de lys ont été réalisées au petit fer.
La tranche est remarquablement dorée, donnant ainsi un aspect encore plus luxueux à ce petit livre du XVIIe siècle.
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